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fondées sur l'amour que sm* la guerre, étant ce gentil­homme meilleur champion de Venus que de Mars : au reste grand superstitieux qui ne se contentoit d'une messe tous les jours, mais en oyoit trois et quatre, et quelquefois cinq et six, même au milieu des armées; et lui a-t-on oui dire que s'il y eût failli un jour, il eût cru être damné. Le reste du jour et la nuit le plus souvent il l'employoit à l'amour, ayant cette persuasion que la messe ouye dévotement expioit tous les péchés; de quoy le feu Roy bien averti a dit souvent que qui vouloit tenir registres des débauches de La Mole, il n'avoit qu'à compter ses messes. Ses dernieres paroles furent, sur l'échaffaut : « Dieu ait merci de mon ame, « et la benoiste Vierge ! Recommandez-moi bien aux a bonnes graces de la reine de Navarre et des dames! » portant cependant au supplice un visage effrayé, jusqu'à ne lui pouvoir faire tenir ni baiser la croix, tant il trembloit fort. On lui trouva, quand il fut exécuté, une chemise de N. D. de Chartres, qu'il portoit ordi­nairement sur lui.
Mollis vita fuit, moïlior interitus.
Incontinent après lui fut executé Coconnas, gentil­homme piemontois et de grande maison, miroir de la justice de Dieu, pour la cruauté qu'il commit à l'égard de ceux de la religion à la Saint-Barthélemy. Cet homme, tout au contraire de La Mole, étant fort peu superstitieux, comme n'ayant pas de religion, se montra assuré au sup­plice, comme meurtrier qu'il étoit, disant tout haut qu'il falloit que les grands capitaines, capables de grandes entreprises, mourussent de cette façon pour le ser­vice des grands, lesquels sçauroient bien avec le temps
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